Des avions bientôt capables de voler à 21 000 km/h ?
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Mise à jour le 30/01/2023
Des recherches menées par l’Université de Floride Centrale aux États-Unis pourraient bien révolutionner les vols aériens. Grâce à un système de propulsion par détonation, les chercheurs de l’UCF veulent ouvrir la voie à des vols hypersoniques en propulsant des avions à près de 21 000 km/h (Mach 17), et ainsi relier New-York à Los Angeles en seulement 30 min. Une avancée majeure qui pourrait voir le jour rapidement grâce à un financement récemment accordé par la NASA dans le but de commercialiser cette technologie.
Des systèmes de propulsion par détonation
Les explosions sont déjà utilisées depuis longtemps dans les systèmes de propulsion. On les retrouve notamment dans les moteurs à combustion interne (ICE) qui les utilisent depuis 150 ans pour déplacer les pistons. Ce type de combustion d’un mélange de carburant et d’air (comburant), a pour rôle d’augmenter rapidement la température et donc la pression des gaz, qui brûleront avec un front de flamme dont la vitesse est inférieure à celle du son. Elle est souvent caractérisée par le terme « déflagration » qui se produit au sein des moteurs. Très utilisés pour la propulsion de véhicules de transports de petite et moyenne puissance, ces ICE sont assez lents et surtout faciles à contrôler.
Pour atteindre des vitesses de pointe largement supérieures à celles actuelles, les scientifiques misent sur des systèmes de propulsion par détonation. En effet, la propulsion classique du moteur à combustion ou celle du moteur à réaction (où la combustion du kérosène avec l’oxygène dilate le gaz qui est alors projeté vers l’arrière) ne suffisent pas. Ces systèmes de propulsion par détonation, déjà étudiés depuis plus d’un demi-siècle, fonctionnent grâce à la détonation d’un mélange oxydant/réducteur placé à l’intérieur d’un tube, qui est ensuite éjecté à grande vitesse par un mécanisme de purge. Le but étant d’obtenir une détonation dans laquelle l’onde de choc va se propager à des vitesses supersoniques pour bénéficier d’une efficacité thermodynamique plus importante. En revanche, elles s’avèrent beaucoup plus difficiles à contrôler et à stabiliser.
Deux techniques pour tenter de la maîtriser ont néanmoins été développées au cours des dernières années. La première, en 2008, a été développée par l’US Air Force Research Laboratory et l’Innovative Scientific Solutions Incorporated (ISSI), et consiste à tester des moteurs créant une série d’explosions répétées et contrôlées. Les tests ont eu lieu sur le Scaled Composites Long-EZ « Borealis », avant de réaliser un premier vol habité réussi.
La seconde a été développée par des chercheurs de l’Université de Floride Centrale (UCF), qui ont réalisé une démonstration d’un moteur à détonation en rotation. Ici, les ondes de choc déclenchent d’autres détonations au sein d’un canal en forme d’anneau. Cette première preuve expérimentale d’une détonation rotative a pu être réalisée grâce à un bon équilibre entre le taux d’hydrogène et d’oxygène libéré dans le moteur.
Mais malgré des premiers tests concluants, la réaction ne dure que quelques millisecondes et la quantité d’énergie libérée reste encore difficilement maîtrisable.
En octobre 2022 un chercheur de l’UCF et son équipe ont reçu un premier financement de la NASA de 50 000$ pour mettre en route le développement de ce nouveau système de moteur. Le projet se concentrera davantage sur les moteurs de fusée à détonation rotative et recevra des aides complémentaires pour commercialiser la technologie.
Une nouvelle technique
Cette fois-ci les chercheurs de l’UFC ont dévoilé dans un communiqué, une toute nouvelle méthode qui pourrait permettre de projeter un avion dans le ciel à une vitesse de Mach 17, soit environ 22 fois la vitesse actuelle d’un Airbus. Pour parvenir à une telle prouesse, les chercheurs se sont concentrés sur leurs recherches précédentes basées sur la détonation, à quelques variations près. Ici, on ne parle plus d’une détonation rotative mais d’une détonation oblique.
Selon les chercheurs, il est plus efficace que l’énergie soit libérée brusquement, plutôt qu’elle soit diffusée en continu. Pour démontrer leur théorie, ils ont créé une chambre de réaction hypersonique à ondes obliques spéciale pour les moteurs à réaction, à l’intérieur de laquelle ils utilisent une rampe inclinée à 30 degrés. L’entraînement utilise un amortisseur qui permet de faire circuler un mélange de carburant et d’air à une vitesse hypersonique. Ce système de rampe est chargé de contenir l’onde de choc dans la chambre de réaction au moment de la détonation dans le but de créer une poussée contrôlée.
Les ondes obliques disposent d’un gros avantage par rapport aux ondes de détonation en rotation, puisqu’elles sont stationnaires, et permettent donc de mieux canaliser et stabiliser la détonation nécessaire à la propulsion hypersonique. Une fois l’explosion capturée, la grande quantité d’énergie déchargée par celle-ci est récupérée pour alimenter la propulsion hypersonique. « C’est la première fois qu’une détonation s’est avérée stabilisée expérimentalement », a déclaré Kareem Ahmed, co-auteur de l’étude, dirigeant de l’équipe de recherche et professeur agrégé au Département de génie mécanique et aérospatial de l’UCF. « C’est presque comme geler une explosion intense dans l’espace physique. »
L’équipe a réussi à maintenir l’onde de la détonation du mélange air-hydrogène sous forme fixe durant quelques secondes. Un résultat encore très court, mais que l’équipe souhaite améliorer en modifiant le mélange de carburant, les conditions d’entrée et de sortie de l’air et en réalisant des variations sur l’inclinaison de la rampe.
Plusieurs applications
La technologie développée par les chercheurs de l’UCF, est principalement à destination du secteur de l’aérien. Elle devrait permettre d’améliorer l’efficacité du moteur de propulsion à réaction dans le but de générer plus de puissance, le tout en utilisant moins de carburant que les moteurs de propulsions traditionnels pour des trajets bien plus rapides. Grâce à ce système, la charge de carburant sera diminuée, et les coûts ainsi que les émissions rejetées seront également réduits. S’il parvenait à être utilisé de façon commerciale, les économies sur les coûts de carburants pourraient même aller jusqu’à 25% en comparaison aux systèmes actuels.
Au-delà des nombreux avantages que cette nouvelle solution pourrait apporter au monde de l’aviation, elle pourrait également être utile dans le domaine spatial. En effet, ce système de propulsion hypersonique pourrait permettre de lancer des fusées en orbite, les rendant ainsi plus légères et capables de voyager plus loin en réalisant d’importantes économies de carburant.
En revanche, ce système pourrait aussi être convoité pour fabriquer des missiles, une application beaucoup plus nuisible. Ces missiles, qui ne nécessiteraient pas d’explosifs, pourraient être dévastateurs et causer des dommages irréversibles et équivalents à ceux d’une bombe nucléaire de par la puissance de l’engin. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, si un missile hypersonique venait à être lancé, aucun système de défense antimissile au monde n’est capable de faire face, malgré des radars et des ensembles de capteurs de détection dernière génération. Les moyens utilisés pour l’interception des missiles, et notamment les systèmes d’armes disponibles ne pourraient pas non plus faire face à ce type de menaces.
Encore au stade de la recherche, cette technologie pourrait révolutionner la propulsion hypersonique et les systèmes énergétiques afin de créer un véritable bond en avant pour l’aérien. Plus récemment, le projet s’est vu sélectionné par la NASA parmi douze propositions pour acquérir une subvention afin de développer le projet en vue d’une commercialisation.
D’autres tests et entraînements devraient désormais suivre pour permettre de stabiliser au mieux les détonations et canaliser leur potentiel pour créer la poussée.
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