Des scientifiques créent des “hologrammes quantiques” pour la première fois
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Dans un article publié le 4 février dernier dans la revue “Nature Physics”, une équipe de physiciens de l’Université de Glasgow, en Écosse, a présenté la découverte d’une nouvelle application de la technologie quantique dans le domaine de l’holographie.
Une première mondiale, qui s’appuie sur la création d’hologrammes haute définition grâce à l’intrication quantique.
Une nouvelle étape significative pour l’holographie, qui pourrait permettre à cette technologie de s’intégrer dans de nouveaux domaines, notamment celui de la santé.
L’holographie en quelques mots
Découvert en 1948, le principe de l’holographie a beaucoup évolué ces dernières années.
L’holographie se distingue de la photographie, en ajoutant la dimension du volume, à savoir la 3D, à la retranscription des objets.
Cette technologie permet donc de matérialiser un objet ou une personne dans son intégralité (“holo” signifiant “entier”), en utilisant un procédé d’enregistrement de la lumière diffractée par un objet, permettant ainsi de reconstituer une image en relief de cet objet.
Habituellement, l’holographie classique est réalisée grâce aux propriétés de la lumière issue des lasers, dite “cohérente”.
Cette cohérence permet d’obtenir des ondes lumineuses qui sont en phase à la fois de façon spatiale et temporelle.
L’hologramme en lui-même s’obtient à l’aide d’un faisceau laser divisé en deux :
- Le premier faisceau, connu sous le nom de “faisceau objet”, est dirigé vers l’élément à enregistrer et à refléter dans un “film”.
Ce faisceau illumine alors le sujet de l’holographe avec la lumière réfléchie collectée par une caméra ou un film holographique. - Le second faisceau, appelé “faisceau de référence”, est quant à lui projeté via un miroir, directement sur la surface de collecte, sans interagir avec le sujet.
Les différences de phase de la lumière entre les deux parties du faisceau, ainsi qu’à l’endroit où ils se rencontrent, permet alors la création de l’image en hologramme.
L’arrivée des hologrammes quantiques
L’approche utilisée par le physicien Hugo Defienne en collaboration avec les experts Bienvenu Ndagano, Ashley Lyons et Daniele Faccio est assez similaire à l’holographie classique.
Un rayon laser est donc divisé en deux ondes, mais au lieu que les deux faisceaux convergent vers une seule plaque de collecte, les chercheurs ont créé une paire de photons intriqués, grâce à une lumière laser plus puissante.
L’intrication représente le lien quantique qui relie une paire de particules.
Quand celles-ci sont intriquées, elles constituent un système en interaction constante, ce qui signifie que ce qui affecte l’une affecte l’autre, quelle que soit la distance. Dans le cas de l’hologramme, les particules enchevêtrées en question sont des photons.
Pour rappel, en théorie quantique des champs, le photon est la particule médiatrice de l’interaction électromagnétique.
Cette lumière laser plus puissante est obtenue en émettant un laser sur des plaques contenant du cristal de borate de baryum. Cette manipulation permet ensuite de diviser les photons intriqués en photons individuels, chacun possédant donc la moitié de l’énergie de l’original.
L’un des deux photons est alors dirigé vers l’objet, dont le volume est mesuré par la décélération des photons qui le traversent, avant d’être recueilli par un appareil photo numérique mégapixel qui vient enregistrer ces informations en temps réel. L’autre faisceau de photons intriqués est quant à lui dirigé vers un modulateur spatial de lumière, un appareil qui modifie la forme d’une onde lumineuse et qui ralentit légèrement les photons lors de leur passage, avant d’être collectés vers une deuxième caméra.
C’est ce second faisceau qui va permettre la production de l’hologramme, puisque les photons du second faisceau vont alors prendre la forme de ceux du premier faisceau qui auront traversé l’objet grâce à l’intrication quantique.
L’hologramme est ensuite créé grâce à la corrélation entre les positions des photons intriqués dans les deux caméras. Enfin, quatre hologrammes sont combinés pour produire une image à haute résolution.
Les chercheurs de l’Université de Glasgow ont testé leur technique en reproduisant en 3D l’hologramme du logo de leur université, mais aussi en essayant avec de véritables petits objets plus standards du quotidien comme un rouleau de scotch ou encore la plume d’un oiseau.
Quels avantages par rapport à l’holographie traditionnelle ?
L’holographie classique possède plusieurs limites, notamment celles de l’interférence des sources lumineuses indésirables et une forte sensibilité à l’instabilité mécanique.
Avec cette nouvelle technique, les hologrammes profitent d’une qualité plus nette et plus détaillée, d’une meilleure stabilité ainsi que d’une meilleure résilience au bruit.
Ici, dans le procédé présenté par l’équipe de chercheurs de Glasgow, les deux photons de chaque paire sont séparés, puis envoyés dans deux directions différentes. Lorsqu’un photon atteint l’objet, il se retrouve légèrement ralenti en fonction de l’épaisseur qu’il devra traverser.
Mais grâce à la mécanique quantique, le photon utilisé possède à la fois la propriété de se comporter comme une particule ou comme une onde. Cette ambivalence entre onde et particule va alors lui permettre de sonder l’épaisseur de l’objet en question à l’endroit exact où le faisceau aura frappé, mais également de mesurer l’épaisseur de l’objet sur toute sa longueur en une seule fois.
Ainsi, sa structure tridimensionnelle est alors intégrée sur le photon, qui, comme il est intriqué aux autres photons, permet de réaliser une projection simultanée par les deux.
Les chercheurs précisent qu’avec leur approche holographique quantique, ce phénomène d’interférence peut se produire peu importe la distance et même si les photons n’interagissent pas entre eux. C’est le principe de « non-localité » ou « d’action fantomatique à distance » propre à la mécanique quantique qui ne nécessite que l’intrication quantique entre les photons.
Grâce à cette approche, la mesure de l’objet pourrait alors se faire à distance, dans des endroits complètement différents et géographiquement opposés.
Quels domaines d’application ?
Les hologrammes classiques font déjà partie de notre quotidien, sans forcément qu’on s’en aperçoive, que ce soit dans les billets de banque, les passeports ou encore dans le domaine du divertissement ou de l’aide à la navigation.
Cette découverte pourrait élargir le champ des possibles, notamment dans deux secteurs :
La santé
“Une de ces applications pourrait être l’imagerie médicale, où l’holographie est déjà utilisée en microscopie pour examiner les détails d’échantillons délicats qui sont souvent presque transparents”, explique Hugo Defienne, l’un des scientifiques.
“Notre procédé permet la création d’images à plus haute résolution et à faible bruit, ce qui pourrait aider à révéler des détails plus fins des cellules et nous aider à en apprendre davantage sur le fonctionnement de la biologie au niveau cellulaire.”
Le stockage de données
Grâce à l’utilisation de la mécanique quantique, les scientifiques ont pu enregistrer pour la première fois des informations sur un hologramme.
Selon les chercheurs, la mémoire holographique pourrait devenir le futur de stockage de données haute capacité.
Une nouvelle fois, la fiction rattrape la réalité !
En créant pour la première fois un “hologramme quantique”, ces chercheurs pourraient bien ouvrir la voie à une véritable révolution technologique, notamment dans les domaines de la santé et du stockage de données.
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