La Chine construit un simulateur de gravité lunaire inédit
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Et si l’on pouvait reproduire l’environnement à faible gravité de la Lune directement depuis la Terre ? C’est le projet ambitieux de chercheurs chinois qui ont annoncé être en train de mettre au point un simulateur de gravité lunaire pour mieux préparer les futures missions. Après avoir exprimé son intention de construire une Lune artificielle en 2018 pour remplacer les éclairages publics, la Chine se tourne aujourd’hui vers un projet similaire mais conçu à des fins scientifiques. Une expérimentation qui pourrait permettre à la Chine d’avancer dans la conquête spatiale…
Une alternative aux vols paraboliques
De nos jours, malgré une conquête de l’espace très active, il est très compliqué de reproduire une faible gravité sur Terre. Les techniques actuelles utilisées pour préparer les astronautes ainsi que pour concevoir leurs équipements et technologies embarqués à bord, consistent en grande partie à réaliser des vols paraboliques. Ces vols permettent de reproduire une situation de micropesanteur pendant une vingtaine de secondes. Les vols sont réalisés par des jets commerciaux spécialement modifiés, qui entrent en chute libre pendant quelques secondes avant de remonter ou de tomber d’une tour de largage pendant quelques minutes, recréant ainsi des conditions d’apesanteur.
C’est pour trouver une alternative à ces tests que des scientifiques de l’Université chinoise des mines et de la technologie ont construit une « lune artificielle » capable de simuler des environnements à faible gravité en utilisant le magnétisme. Le dispositif construit dans la ville orientale de Xuzhou, dans la province du Jiangsu, et porté par l’Administration spatiale nationale chinoise, devrait permettre de faire « disparaître la gravité » pour se rapprocher des conditions du satellite naturel de la Terre.
Comme le rapporte le South China Morning Post, cette installation de recherche serait la première du genre au monde, avec des niveaux de faible gravité pouvant durer aussi longtemps que l’expérience est nécessaire.
Bien que l’installation présente de nombreux avantages, elle reste néanmoins trop petite pour être testée par des astronautes. La Chine prévoit donc d’utiliser l’installation pour tester les instruments et la technologie dans des environnements à faible gravité prolongée, avant que ceux-ci ne soient envoyés sur des missions sur la Lune, où la gravité ne représente qu’un sixième de sa force sur Terre. Une bonne solution pour limiter les problèmes techniques coûteux, tout en évaluant la viabilité d’un futur établissement humain sur la lune, dans le cadre du programme chinois d’exploration lunaire.
Pour le moment, le projet est encore en cours de développement mais la version définitive du simulateur lunaire devrait arriver dans les prochains mois et devrait être ouverte aux chercheurs du monde entier.
Une simulation optimale
La lune artificielle se présente comme une pièce de deux pieds carrés et de 60 centimètres de diamètre, installée dans une chambre à vide ne contenant pas d’air. Pour simuler les effets de lévitation d’une faible force gravitationnelle, l’équipe utilise de puissants aimants capables de générer un champ magnétique et chargés de « soulever » la petite pièce.
Les champs magnétiques nécessaires pour enrayer la gravité sont très puissants, si bien qu’ils ont réussi à perturber le fonctionnement des nombreux composants métalliques de la chambre à vide comme les fils supraconducteurs. Les scientifiques ont donc été obligés de remplacer l’acier de plusieurs composants primordiaux au bon fonctionnement de l’installation par de l’aluminium. Le champ magnétique à l’intérieur de la pièce pourra être activé ou désactivé selon les besoins, afin de ne produire aucune gravité, ou bien une gravité lunaire ou une gravité terrestre.
Pour imiter la surface lunaire et créer une illusion parfaite, la chambre à vide sera remplie de roches et de poussières disposant des mêmes caractéristiques que l’original et disposera de lumières tamisées.
Les matériaux candidats à un voyage sur la Lune seront donc testés dans cette chambre et pourront bénéficier d’essais aussi longs que nécessaire. Ainsi, certaines expériences comme des tests d’impact, ne prendront seulement que quelques secondes dans le simulateur. En revanche, des tests de fluage, qui permettent de déterminer à quel point un matériau se déforme et se dégrade sous de très fortes températures et avec des contraintes précises, peuvent prendre plusieurs jours.
Les chercheurs estiment que leur simulateur pourrait également permettre de réaliser des essais d’impression 3D sur la lune. Une fonction qui pourrait s’avérer utile pour déterminer s’il est possible d’imprimer des structures en 3D directement sur la surface lunaire, dans le but de limiter les équipements lourds et même de fabriquer des habitats lunaires lorsque les astronautes se rendront en mission. Certaines expériences menées dans le simulateur pourraient même permettre de fournir des informations importantes, comme dans le cas de forage ou de recherche d’eau stockée sous la surface.
Une idée issue d’une expérience avec des amphibiens
Le travail des chercheurs repose sur le phénomène de lévitation diamagnétique, où les scientifiques appliquent une force magnétique externe pour soustraire des corps à la gravité. Concrètement, une structure est composée de plusieurs milliards d’atomes et ces atomes sont constitués de noyaux et d’électrons qui gravitent autour. Lors de ces mouvements, de minuscules champs magnétiques se créent. Orientés au hasard, ces champs magnétiques s’annulent et aucun magnétisme à l’échelle du matériau ne se manifeste alors.
Dès lors qu’un champ magnétique externe est appliqué, les électrons d’un atome modifient leur mouvement et développent leur propre champ magnétique pour s’opposer au champ magnétique appliqué. Si l’aimant appliqué est assez puissant, chaque atome se comportera alors comme un micro-aimant, et la force magnétique de répulsion entre l’aimant externe et les micro-aimants des atomes permettra de vaincre la gravité et ainsi de faire léviter un objet.
Pour réaliser cette installation, les chercheurs se sont inspirés d’une expérience d’André Geim, un physicien de l’Université de Manchester au Royaume-Uni. Il avait été récompensé par le prix satirique Ig Nobel, qui récompense les découvertes scientifiques insolites, pour avoir conçu une expérience permettant de faire léviter une grenouille en utilisant des aimants.
Geim, qui a également remporté le prix Nobel de physique en 2010 pour ses travaux sur le graphène, a déclaré au South China Morning Post qu’il était ravi de voir que ses expériences profitent au domaine spatial. S’il ajoute que « la lévitation magnétique n’est pas la même chose que l’antigravité », il estime que la microgravité créée par des champs magnétiques pourraient cependant avoir un impact important pour de nombreuses situations.
Cette « lune artificielle » pourrait jouer un rôle important dans les futures missions sur la Lune, notamment en permettant aux scientifiques de construire des instruments en faible gravité et donc mieux adaptés à leur environnement. Avec cette expérience, la Chine réaffirme son ambition d’envoyer des astronautes sur la Lune d’ici 2030 et d’établir, dans un projet commun avec la Russie, une base sur la Lune d’ici la fin de cette décennie.
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