Un nouvel antibiotique surpuissant découvert grâce à l’Intelligence Artificielle
Le secteur de la recherche médicale n’a pas fini de nous étonner : aujourd’hui, c’est au tour de la recherche de nouveaux antibiotiques d’innover. Elle a franchi un cap en s’alliant à l’Intelligence Artificielle (IA). En effet, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) viennent de mettre au point une molécule antibiotique capable d’éliminer des bactéries résistantes aux plus puissants antibiotiques.
Cette découverte a été publiée le 20 février 2020 dans la revue scientifique Cell. Obtenue des suites d’un Algorithme d’Intelligence Artificielle, la formule s’avère être une première solution très encourageante pour pallier à la résistance de certains antibiotiques.
Une première mondiale qui représente une véritable avancée dans le domaine de la santé. Celui-ci souffrait depuis quelques années d’investissements financiers très lourds et coûteux nécessaires à la recherche.
Retour sur cette découverte qui pourrait bien sauver des vies !
La résistance aux antibiotiques : le serpent qui se mord la queue
Aujourd’hui, la résistance aux antibiotiques est devenue un réel problème de santé publique. On parle d’« antibiorésistance ». Ce phénomène ne cesse de se répandre et empêche à un traitement antibiotique d’être efficace sur une infection bactérienne.
Bien qu’il soit encore rare en France, le phénomène s’enracine à mesure que le temps passe dans de nombreux pays. A tel point qu’il conduit parfois à l’incapacité d’éliminer certaines bactéries et donc de soigner des malades.
D’où vient l’antibiorésistance ? Paradoxalement, elle résulte de l’augmentation de l’administration des antibiotiques au cours du XXème siècle. Dans un premier temps, ces antibiotiques ont permis de faire reculer la mortalité due à des maladies infectieuses. Ensuite, c’est précisément sonutilisation massive et répétée qui a conduit le corps humain à y opposer une résistance naturelle.
En cause, cette utilisation répétée d’antibiotiques concerne aussi bien l’homme que l’animal. C’est notamment le cas des animaux d’élevage, qui en ingèrent un grand nombre au cours de leur vie, avant d’être à leur tour consommés par l’homme. Cette diffusion massive a créé une « pression de sélection » sur les populations bactériennes, favorisant l’acquisition et la dissémination de souches résistantes aux antibiotiques.
L’utilisation aléatoire des antibiotiques, les traitements trop longs ou non appropriés ont été pointés du doigt. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a par exemple mis en garde les Etats-Unis. Des antibiotiques y sont systématiquement administrés à faible dose en guise de… facteur de croissance du corps humain. Cette pratique a été interdite en Europe depuis 2006. Pourtant, elle a eu le temps d’entraîner de multiples résistances.
Avec certaines souches aujourd’hui multirésistantes (résistantes à plusieurs antibiotiques) et d’autres toto-résistantes (résistantes à quasiment tous les antibiotiques), ce phénomène inquiète. Les solutions pour traiter les infections se font de plus en plus rares, voire inexistantes. Bilan : le secteur médical est face à une impasse thérapeutique.
En parallèle, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a estimé récemment que les bactéries résistantes pourraient tuer 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050.
Des recherches complexes qui appellent à l’innovation
C’est ce phénomène que les chercheurs du MIT ont voulu combattre. Leur idée n’est pas nouvelle, mais jusqu’à présent les méthodes utilisées n’avaient pas permis de détecter une molécule assez efficace pour pallier à l’antibiorésistance.
Pour cause : la recherche de nouvelles solutions implique des ressources financières, humaines et temporelles importantes. Ainsi, des grandes équipes de scientifiques, beaucoup d’argent et énormément de temps étaient nécessaires pour espérer trouver une réponse au problème. Jusqu’à maintenant, la mobilisation de ces ressources a complexifié la conception d’antibiotique à partir de dérivés de composés existants. Quant à la découverte d’une solution, on la croyait de ce fait improbable.
« Nous sommes confrontés à une crise croissante autour de la résistance aux antibiotiques, et cette situation est générée à la fois par un nombre croissant de pathogènes devenant résistants aux antibiotiques existants, et par une réduction des canaux consacrés à de nouveaux antibiotiques dans les industries biotechnologiques et pharmaceutiques», explique James Collins, l’un des concepteurs de l’IA.
Une découverte basée sur le Machine Learning
Pour parvenir à une solution face à ces différents problèmes, les chercheurs ont développé une Intelligence Artificielle capable de créer des antibiotiques surpuissants.
Cette IA permet d’élargir le champ des potentiels antibiotiques jusqu’à des molécules encore insoupçonnées. Pour ce faire, les scientifiques se sont basés sur d’anciens travaux dédiés sur des modèles de Machine Learning entraînés à reconnaitre des structures moléculaires et à en déduire des capacités particulières. Pour le moment, même si ce type d’algorithme existait déjà, aucune découverte applicable sur les êtres vivants n’avait réellement abouti.
Dans un premier temps, les chercheurs du MIT ont entraîné leur IA à identifier toutes les molécules capables de tuer des bactéries. Ils ont notamment testé leur modèle à partir de la bactérie « Escherichia coli / E-coli) ». Les chercheurs ont ajusté l’IA de sorte qu’elle se focalise davantage sur des structures moléculaires le plus éloignéespossiblede celles des antibiotiques actuels. Objectif : trouver un éventuel antibiotique pouvant faire face à la résistance bactérienne. Le modèle d’apprentissage a donc été testé sur plus de 6000 molécules différentes pouvant potentiellement détenir une utilité médicamenteuse.
L’apprentissage terminé, l’IA a « scanné des centaines de millions de composants chimiques » en à peine quelques heures.
La démarche a payé : l’algorithme a détecté une molécule à la structure différente des antibiotiques existants, encore non-exploitée. L’IA a pu prédire le comportement de la molécule grâce à une cartographie de sa structure biologique, qui a établi son efficacité contre de nombreuses bactéries.
Les chercheurs ont baptisé la molécule « Halicin », en hommage à Hal, l’Intelligence Artificielle dans le film 2001 « L’odyssée de l’Espace » de Stanley Kubrick.
L’Intelligence Artificielle développée par le MIT s’avère être bien plus performante que toutes celles conçues auparavant. Il ne lui aura fallu que quelques heures avant de détecter cette molécule superpuissante.
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Un nouvel antibiotique redoutable : l’Halicin
Afin de contrôler l’efficacité de la molécule, les chercheurs l’ont testé contre plusieurs dizaines de souches bactériennes prélevées sur des patients et cultivées in vitro. La molécule a été testée in vivo sur deux souris. Elles étaient infectées par « A. baumannii », une bactérie qui a infecté de nombreux soldats d’Irak et d’Afghanistan et contre laquelle aucun antibiotique n’avait été trouvé à ce jour.
En février 2017, L’OMS publiait une liste de bactéries résistantes et représentant une menace à l’échelle mondiale. Ils y ont placé l’« A. baumannii » dans la catégorie des bactéries représentant une urgence critique du fait de sa résistance à untrop grand nombre d’antibiotiques. Résultat des tests contre la molécule ? Les souris ont guéri en 24h, prouvant l’efficacité de l’halicin.
La molécule a également été testée à partir de cellules prélevées sur des patients humains. Là aussi les résultats ont été impressionnants. L’halicin a pu détruire « Mycobacterium tuberculosis », l’agent pathogène à l’origine de la tuberculose.
Au final, l’halicin a prouvé sa réussite à éliminer de nombreuses bactéries résistantes aux antibiotiques. Seule la bactérie « Pseudomonas aeruginosa » lui a pour le moment résisté.
Des enjeux médicaux de taille
L’halicin a un fonctionnement particulier par rapport aux antibiotiques traditionnels. La molécule tue les bactéries en perturbant leur membrane cellulaire. Les bactéries ont alors du mal à maintenir leur gradient électrochimique. Or celui-ci leur est indispensable pour produire les molécules qui stockent leur énergie, appelées adénosine-triphosphate (ATP). Privées de cette énergie, les bactéries meurent : elles n’ont plus les moyens de muter suffisamment pour pouvoir résister aux anticorps.
« Notre approche a révélé cette molécule incroyable qui est sans conteste l’un des antibiotiques les plus puissants ayant été découverts », affirme James Collins, professeur d’ingénierie médicale au MIT, et coauteur de cette découverte.
Après la découverte de cette molécule surpuissante, les scientifiques ont reprogrammé leur IA. Celle-ci est capable de rechercher « in silico », c’est-à-dire par modélisation informatique. A partir d’un examen accru de bibliothèques de composés chimiques, l’IA a cherché des molécules chimiques pouvant s’attaquer à certaines bactéries.
Objectif : parvenir à de nouveaux antibiotiques à partir d’une base de données encore plus massive, constituée de millions de composés chimiques. A terme, le but est de renforcer l’arsenal antibiotique actuel, inefficace face à certaines bactéries.
Les premiers résultats sont prometteurs. L’IA a pu identifier 23 potentiels antibiotiques, dont deux seraient au moins aussi puissants que l’halicin…
Bien que d’autres potentiels antibiotiques aient été découverts par l’IA, à l’heure actuelle les chercheurs concentrent leurs efforts sur l’halicin. Ils poursuivront leurs études en collaboration avec une entreprise pharmaceutique ou une organisation à but non lucratif. Leur souhait est de mener rapidement des tests sur l’être humain afin de proposer une solution à la résistance aux antibiotiques actuelle.
Une IA au service de la santé
Plus qu’encourageants, ces premiers résultats pourraient avoir de grandes répercussions dans le domaine de la santé, et notamment dans le secteur pharmaceutique. Des remèdes aux maladies bactériennes pourraient être découverts. Des antibiotiques fonctionnant sur une base similaire au halicin pourraient empêcher les bactéries de muter, de se reproduire et également de s’adapter.
« Nous voulions développer une plateforme permettant d’exploiter la puissance de l’intelligence artificielle pour ouvrir une nouvelle ère de découverte de médicaments antibiotiques. », indique James Collins.
En outre, cette technologique basée sur l’Intelligence Artificielle représente un gain de temps et d’argent en comparaison aux méthodes exploitées jusqu’ici.
A cela ajoutons que ce n’est pas la première fois que l’IA démontre son utilité dans le secteur médical et biomédical.
Début 2020, la Start-up britannique Exscientia annonçait des essais cliniques sur l’être humain du premier médicament créé par IA. Celui-ci doit pouvoir soigner les personnes touchées par des troubles compulsifs du comportement (TOC).
De leur côté, les chercheurs de Google Health ont développé un outil couplé par les innovations technologiques de l’IA et du Machine Learning. Il détecte des tumeurs cancéreuses sur des mammographies.
Début Janvier, on apprenait également une découverte pouvant s’adapter à différents domaines, dont le médical : les xénobots. Ces petits robots vivants administrent certains médicaments directement à l’endroit dans le corps des patients, où ils sont le plus nécessaires ou efficaces. Objectif : optimiser le résultat du traitement de certaines maladies ainsi que sa rapidité d’exécution.
// À (re)lire : « Xenobots » : des « robots vivants » créés à partir de cellules vivantes et d’IA
Rapidité d’exécution, stockage et analyse de données massives… Autant de critères qui soulignent la pertinence de l’IA dans le secteur médical. Cette nouvelle découverte le confirme : l’IA est au cœur de la médecine du futur.
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