« Xenobots » : des « robots vivants » créés à partir de cellules vivantes et d’IA
Des robots pour tous nous soigner ?
A l’heure où la technologie se perfectionne chaque jour, comme en témoignent les avancées de l’Intelligence Artificielle (IA), des chercheurs viennent de développer « les premiers robots vivants » au monde !
Baptisés « Xenobots », ces petits robots sont composés de cellules vivantes. Ils sont programmables par l’IA et entièrement dégradables. Ces robots pourraient bien représenter l’avenir dans certains domaines, comme le médical ou l’environnemental.
Un grand pas en avant pour la science et pour la robotique, mais qui divise…
Entre inquiétude et admiration, on fait le point pour vous dans notre article de la semaine.
Des robots vivants et biodégradables
À l’origine des « Xenobots » : une collaboration entre des chercheurs des universités du Vermont et de Tufts dans le Massachusetts (USA). Cette collaboration commence par une publication datée du 13 janvier dernier dans le journal « Proceedings of the National Academy of Science ».
Ils y font part de l’ensemble de leurs recherches, expliquant leurs objectifs et le processus de création de ces robots « vivants ».
Concrètement, les scientifiques américains ont créé ces organismes à partir de… cellules de grenouilles.
Ces organismes « vivants et programmables », comme les décrivent les chercheurs, ont été assemblés à partir de deux types de cellules souches de la « Xenopus laevis » : une grenouille qui vit principalement en Afrique, d’où le « Xeno » de Xenobots.
Les chercheurs ont à la fois utilisé les cellules provenant de sa peau, et les tissus musculaires du cœur de centaines de ces grenouilles.
Une fois ces cellules collectées, séparées et incubées, c’est via un algorithme qu’une multitude de designs et de configurations possibles ont été testés. Cette opération a été réalisée par un « super ordinateur », conçu pour atteindre les plus hautes performances possibles avec les technologies connues à ce jour, en particulier la vitesse de calcul.
Pour chaque configuration imaginée par les chercheurs, les moins convaincantes étaient éliminées pour ne garder que la version la plus aboutie de chaque fonction recherchée, par exemple leur manière de se déplacer.
Le projet est ensuite passé du virtuel au réel. Les scientifiques ont eux-mêmes assemblésles cellules d’après les résultats de l’algorithme pour former un modèle organique cohérent.
Les cellules arrivées à maturité ont ensuite été incubées, découpées et assemblées à la main à l’aide d’une pince et d’une petite électrode, selon les modèles virtuels générés par l’algorithme.
Lors de cette étape, réalisée à l’aide d’un microscope, les cellules ne mesuraient qu’entre 650 et 750 microns (1 micromètre correspondant à 0,001 millimètre).
Les cellules se sont ensuite développées entre elles en fonction de leur catégorie et de la fonction attribuée par l’algorithme.
Celles issues des peaux de grenouille forment ainsi l’enveloppe physique passive du Xenobots, tandis que les cellules musculaires provenant de leur cœur, elles, sont actives. Ces dernières permettent à l’organisme de se déplacer en exerçant une légère traction.
Selon les chercheurs, les Xenobots sont « capables de se déplacer de façon cohérente et d’explorer leur environnement aquatique pendant des jours ou des semaines ».
Les formes des Xenobots ont été pensées en fonction de leur usage, du type d’interaction que ces robots auront avec leur environnement.
Ces Xenobots sont donc reconfigurables et programmables sous différents formats. Il suffira juste de les tester au sein des simulations créées par le super ordinateur, afin d’étudier la faisabilité et l’utilité potentielle de la fonction souhaitée.
« Ils ne sont pas un robot traditionnel ni une espèce connue d’animal. C’est une nouvelle catégorie d’artéfact : un organisme vivant et programmable », expliquent les chercheurs.
Pour l’heure, le seul inconvénient technique dans leur fonctionnalité, à l’instar de certains animaux, reste leur incapacité à se retourner lorsqu’ils sont sur le dos, étant dépourvus d’une conscience qui leur permettrait de trouver une solution.
Dans ce cas de figure, les Xenobots meurent et se décomposent.
En effet, lorsqu’ils n’ont plus assez d’énergie et qu’ils sont à court de protéines, les Xenobots deviennent alors une simple coquille vide faite uniquement de cellules mortes. Ils sont alors complètement biodégradables ; ainsi, ils peuvent s’évacuer naturellement du corps humain.
Ce point est primordial pour les chercheurs qui souhaitaient avant tout mettre l’environnement et la santé au cœur de ce projet.
« La plupart des technologies sont fabriquées à partir d’acier, de béton, de produits chimiques et de plastiques, qui se dégradent avec le temps et peuvent produire des effets secondaires nocifs pour l’environnement et la santé. Ce serait donc utile de concevoir des technologies utilisant des matériaux auto-renouvelables et biocompatibles », précisent les chercheurs du projet.
Des applications multiples dans de nombreux secteurs
Ces Xenobots pourraient s’avérer extrêmement utiles dans de très nombreux cas de figure. Certains sont même pour l’heure sûrement insoupçonnés.
« Il est impossible de savoir quelles seront les applications de toute nouvelle technologie, alors nous ne pouvons faire que deviner », a déclaré Joshua Bongard de l’université du Vermont.
Leur espérance de vie d’une dizaine de jours, devrait selon les scientifiques leur permettre de réaliser plusieurs types de missions.
« Nous pouvons imaginer de nombreuses applications utiles à ces machines vivantes que d’autres machines ne peuvent pas remplir, comme la recherche de composés nocifs ou de contamination radioactive, la collecte de microplastiques dans les océans… », explique Michael Levin, co-auteur de l’étude.
Dans le domaine médical, ces petits robots pourraient permettre d’administrer certains médicaments directement dans le corps des patients, à l’endroit même où ils sont le plus nécessaires ou efficaces. Cela pourrait optimiser le résultat du traitement de certaines maladies ainsi que sa rapidité d’exécution.
Ces robots pourraient également être utiles pour déboucher des artères, grâce à leur petite taille et leur désintégration automatique.
Des robots capables de se soigner en toute autonomie !
Ces robots possèdent également un réel avantage comparé à leurs congénères. Ils sont difficilement cassables et sont capables de se soigner de manière totalement autonome.
Pour démontrer cette capacité, l’un des scientifiques à l’origine de ce projet a réalisé une démonstration en découpant un Xenobot en deux.
Les cellules ont fermé immédiatement la plaie, comme le font les cellules humaines.
Une fois réparé, le Xenobot a directement repris le cours de sa tâche, comme si de rien n’était.
Leur utilisation dans la médecine régénérative pourrait également marquer une réelle avancée.
L’étude a été financée en partie par la DARPA (Défense Advanced Research Projects Agency), l’agence du département de la Défense des États-Unis chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies à usage militaire.
De ce fait, on peut également supposer qu’ilsseront prochainement utilisés dans le domaine militaire.
Les chercheurs restent persuadés des multiples possibilités que peuvent offrir leur découverte, ainsi que de sa capacité à faire évoluer nos connaissances biologiques. « Si vous regardez les cellules avec lesquelles nous avons construit nos xenobots, alors, génétiquement, ce sont des grenouilles. C’est de l’ADN de grenouille à 100 %, mais ce ne sont pas des grenouilles. Alors on ne peut que se demander ce que ces cellules sont capables de construire d’autre ? », interroge Michael Levin.
Des problématiques éthiques
Cependant, face à tout cet engouement se pose un lourd problème éthique.
En effet, la place de l’Intelligence Artificielle et de la robotique dans notre société est une grande source d’inquiétude, nourrie par les scénarios catastrophes de certains films de Science-fiction.
Dans le cas des « Xenobots », c’est leur aspect « vivant », particulièrement mis en avant, qui affole. Michael Levin de l’université de l’université de Tufts, affirme que ces Xenobots d’un millimètre « sont des formes de vie entièrement nouvelles. Elles n’ont jamais existé sur Terre auparavant ».
En réalité les Xenobots ne sont ni dotés d’un cerveau, ni d’une conscience et n’ont pas non plus d’organe reproducteur. Tout cela fait qu’il leur est impossible de prendre une décision eux-mêmes, ou bien de se reproduire ou d’envisager une quelconque évolution. Dans l’état actuel aucune inquiétude à avoir donc.
Le problème se situe plutôt dans l’hypothèse des chercheurs d’une intégration d’un système nerveux aux Xenobots. A ce stade, ils pourraient alors potentiellement devenir de véritables armes biologiques…
Malgré des avis encore assez divisés sur le sujet, les scientifiques à l’origine de cette innovation ne comptent pas s’arrêter là.
En effet, ce projet n’est que le premier pas dans leurs recherches. Ils comptent la poursuivre en ce sens, cette fois avec des cellules de mammifères qui permettrait aux cellules d’atteindre une taille plus imposante. « Le but est de comprendre le logiciel de la vie. Si vous pensez aux malformations congénitales, au cancer, aux maladies liées à l’âge, toutes ces choses pourraient être résolues si nous savions comment créer des structures biologiques pour avoir le contrôle ultime sur la croissance et la forme », a indiqué Michael Levin.
Les auteurs de l’étude estiment que leur invention constitue une première étape pour « craquer le code » du vivant, afin d’« élargir davantage notre compréhension des diverses formes et fonctions que la vie peut adopter ».
De grandes découvertes scientifiques pourraient donc découler de cette avancée. Affaire à suivre…
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